Histoires (à peu près) vraies

Urban Myths

La musique pop est un réservoir illimité de légendes, rumeurs, histoires invérifiables et invérifiées qui excitent notre cerveau de fan, à la fois, ou tour à tour, celui d’historien minutieux, d’archiviste fétichiste, de voyeur insatiable et de complotiste à la petite semaine. C’est dans cet univers fantasmatique que se situe la plupart des épisodes de la série Urban Myths, dont la deuxième saison est diffusée actuellement sur la chaîne britannique Sky Arts. Au programme : Bob Dylan se rend à Londres à l’invitation de Dave Stewart et s’égare légèrement (Knocking On Dave’s Door, 1×01). Bob Geldof tente de mettre de l’ordre dans les coulisses d’un gigantesque concert-charité, entre un Elton John ronchon, un Freddy Mercury chaud comme la braise, une Sade vénère, un Midge Ure contrarié (Backstage At Live-Aid, 2×02). Le Man In Black, chargé comme une mule, raconte sa bagarre avec une autruche agressive (Johnny Cash And The Ostrich, 2×03), un chanteur de hard rock plonge dans l’univers débilo-surréaliste d’Avida Dollars (The Cooper And The Dali, 2×04), deux futures étoiles se rencontrent dans un bureau poussiéreux (When Bowie Met Bolan, 2×05)… Et on attend avec impatience (épisodes à venir) le groupe de rap pris en auto-stop (Public Enemy feat. Kev Wells, 2×07) et le présentateur télé confronté aux punk (The Sex Pistols vs. Bill Grundy, 2×08).

Si le procédé n’est pas nouveau, il irrigue le cinéma depuis longtemps, on pense notamment au planant The Last Days de Gus Van Sant, ou à Control d’Anton Corbijn ainsi qu’au sous estimé England Is Mine de Mark Gill. Ici, la série s’en distingue avec bonheur : moins versée dans le sérieux d’une reconstitution dont la précision en ferait la qualité ou dans les vapeurs d’une mémoire à trou, elle se laisse aller, de façon sympathique et salvatrice, à parier sur l’intelligence et la distance du (télé)spectateur par son je-m’en-foutisme décomplexé : un article de tabloïd fera office de scénario, un racontard, un bon pitch. Et cette nonchalance d’arriver ainsi à point nommé : dans une époque de panique informationnelle, doublée d’une obsession pour la chasse aux faux, dans ce grand entrelacement fiction/réel, elle affirme une sorte d’irresponsabilité étonnante, et un peu pute aussi, sans doute.

D’ailleurs, le petit bruit désagréable qui avait accompagné son lancement l’année dernière a pu agacer : ainsi, la famille Jackson avait dénoncé le premier épisode, privé de diffusion. Il racontait de façon loufoque la fuite de New York, le 11 septembre 2001, de Michael, accompagné par Marlon Brando et Elizabeth Taylor. Le hic pour les Jackson ne venait pas du rocambolesque douteux de cette histoire mais du fait que le roi de la pop était incarné par un acteur blanc (Joseph Fiennes). Dommage, car ce démarrage a sans doute fait de l’ombre au reste de la série, peu commentée par la suite. Message personnel : si quelqu’un a une version, même time codée, de cet épisode destiné aux enfers des archives, qu’il se dénonce ou se taise à jamais.

Dans la forme, rien de révolutionnaire, certes, la mise en scène s’approche du théâtre filmé (un classique de la télé anglaise) avec unité de lieu et économie de figurants, car la série fait beaucoup avec peu de moyens. Si les interprétations ont parfois le goût caricatural des marionnettes de Spitting Image, les rêves de fans prennent enfin forme dans cette réalité alternative, propice à la détente et aux doux sourires. Les voyages sont d’ailleurs aussi courts que des Fingers de Cadbury (moins de 25 minutes chrono par épisode), ce qui ne gâche rien. Et l’on se met même à rêver de mettre en scène sa propre galerie de légendes : les cours de karaté de Daniel Darc, le Splash One de Glasgow en 1985, les répétitions de Pianosaurus, l’apparition de Calvin Johnson dans Cop, la vie de Bill Callahan et de Chan Marshall dans une cabane dans la forêt, l’arrivée de Lee Mavers chez les La’s où tout est déjà composé (ce qui explique qu’il n’y aura pas de suite), le split de Diabologum, la création de Section 26…

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