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Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records)

Il y a le rose des lettres qui sent bon le parfum du bubblegum. Il y a l’élégance de la typographie qui évoque quelques autres disques que l’on chérit depuis longtemps – des disques de Factory, oui, mais de Tamla Motown aussi. Il y a des notes de pochette au verso – et depuis les premiers disques de The Style Council, on sait qu’au même titre qu’une chanson, une mélodie ou quelques mots glissés dans un refrain, elles peuvent changer une vie (ou au moins quelques années d’une vie et entre nous, ce n’est déjà pas si mal). Il y a les titres de chansons qui semblent en annoncer la couleur (et parfois la douleur), mais on ne l’apprendra qu’un peu plus tard, ce sont souvent des chausse-trappes. Il y a toujours ces titres de chansons qui, croit-on, font des clins d’œil appuyés à un univers qu’on croyait être le seul à partager – parce que dès avoir lu All-Time Biggest Fans, sont venus à l’esprit ces quelques mots-là : I’m your biggest fan cos’ you don’t give a damn”… Il y a, de part et d’autre de la Manche, ces ainés qui ont baissé la garde dès les premières notes, deux types pas nés de la dernière pluie et auxquels (après tout) on a le droit de reprocher beaucoup mais sans doute pas la presque perfection de leurs gouts musicaux et de leurs coups de cœur – Étienne Daho et Richard Hawley. On a connu pire comme thuriféraires. Et il y a James Leesley. Continuer la lecture de « Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records) »

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Cheap Star, Wish I Could See (Kool Kat)

Bien sûr qu’il est essentiel de faire des listes. L’énumération n’a pas que du dérisoire : la lecture de Haute Fidélité de Nick Hornby (1995) n’a rien révélé sur ce point ; elle n’a fait que confirmer à l’âge adulte ce que l’on savait depuis l’enfance. Le désir est toujours passé par là : des traces écrites, comme une manière de hiérarchiser pour minimiser les frustrations potentielles, donner une profondeur de champ aux envies avant même de les assouvir, et surtout trouver un plaisir à part entière dans ces préliminaires qui laissent en suspens, le plus longtemps possible, l’acte éphémère de consommation sous contrainte budgétaire plus ou moins stricte. Les listes comme étape essentielle vers la jouissance. Cela a bien sûr commencé par les cadeaux – Noël, les anniversaires – mais les plus marquantes sont vite devenues les plus ciblées lorsque se sont succedées – ou entassées – les passions pour les collections et leur horizon jamais atteint d’exhaustivité : les numéros de Special Strange manquants qu’on allait parfois exhumer chez les bouquinistes des quais de Seine, les vignettes autocollantes des albums Panini, les timbres, les boîtes en métal. Et puis les disques – beaucoup, trop, encore aujourd’hui – qui ont rapidement supplanté à peu près tout le reste. Continuer la lecture de « Cheap Star, Wish I Could See (Kool Kat) »

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Jonathan Fitoussi et Clemens Hourrière, Möbius (Transversales disques / Obliques)

Les musiciens utilisateurs du système modulaire Buchla constituent une famille singulière. Tissant un réseau affinitaire (en témoigne la récente compilation K7, Buchla Now sortie chez le label Ultraviolet Light l’an dernier), les praticiens de ce synthétiseur ont toujours emprunté des chemins buissonniers qui précisément ont su rompre avec certains gestes trop convenus ou entendus. Le plus souvent mobilisée du côté des musiques expérimentales, ou électro-acoustiques/acousmatiques (Morton Subotnick, Todd Barton), cette forme de synthèse dite « West Coast » (par opposition à celle « East Coast » de type Moog, plus connue) est aussi très présente au sein d’une scène que l’on pourrait circonscrire par les termes de planant ou d’ambient : Suzanne Ciani, Kaitlyn Aurelia Smith ou encore par exemple Caterina Barbieri, incarnent chacune à leur manière cet art de la rencontre entre boucles électroniques et psychédélisme répétitif. Assurément, les disques de Jonathan Fitoussi et de Clemens Hourrière s’inscrivent au sein de cette filiation. Continuer la lecture de « Jonathan Fitoussi et Clemens Hourrière, Möbius (Transversales disques / Obliques) »

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David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete)

J’ai toujours les miquettes* quand la musique que j’ai toujours aimée et défendue se voit à nouveau magnifiée au détour d’un album qui aurait pu échapper à ma vigilance. Au début du siècle, Fred Paquet m’avait convoqué d’autorité pour une écoute (fatale) du premier album de The Tyde, grâce lui en soit rendue. Il m’a été moins dictatorial pour ce disque mais assez incitant, j’ai laissé couler un moment, j’ai été un peu retors, c’était le début de l’hiver ça n’est jamais bien agréable, eh bien je n’aurais pas du.
Un seul morceau, le premier In My Hermit’s Hours, devrait mettre tout le monde d’accord. Ça peut vous foutre un tournis fatal, ce genre d’introduction. Croiser les frères Godfrey (soit Epic Soundtracks ET Nikki Sudden prix de maigres mais golden trophy du songwriting) ET The Chills (pour résumer en un groupe une idée des antipodes – mais les amateurs des Go-Betweens et autres Apartments vont prendre cher pareil) ET The Tyde (donc Felt) ET PUIS QUOI ENCORE ? ! Continuer la lecture de « David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete) »

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FAME 2022 : « Emmanuelle Parrenin : d’une maison l’autre » de Marie-Élise Beyne

Emmanuelle Parrenin
Emmanuelle Parrenin / Photo : Frédéric D. Oberland

Après quelques secondes de soleil aux carreaux des fenêtres et de plans sur ce qui se passe paisiblement au pied des tours de la grande ville, c’est la puissante vibration au son sans pareil de la vieille à roue — mêlée à une voix de cristal haut perchée — qui nous accueille dans le documentaire de Marie-Élise Beyne consacré à Emmanuelle Parrenin, paladine mystique du temple néo-folk français, connue par certains pour être l’auteure de l’album culte Maison rose sorti en 1977. Par certains, ou plutôt, entre autres choses : les plans de coupe sur les quelques souvenirs photographiques dispersés autour d’objets de l’intime qui suivent esquissant l’idée d’un destin musical en cours plus vaste encore, et qui nous reste à découvrir au-delà du culte.

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Big Thief, Dragon New Warm Mountain I Believe in You (4AD)

Big Thief, Dragon New Warm Mountain I Believe in You (4AD)C’est une question d’envie d’abord. Comme l’a rappelé récemment Christophe dans ces pages, un disque ne se rencontre que sur cette base. On dira envie, on pourra aussi bien dire disponibilité, circonstances. Et un disque se rencontre, donc disque, donc entier. Certains envisagent encore la rencontre selon cet angle, qui n’équivaut pas au support physique à l’impérissabilité aussi illusoire que celle des octets ou des cellules qui nous constituent, aussi illusoire que celle de nos mémoires et de nos traces – non – les ensembles provisoires d’émotions et de notions qui nous forment sont bien contents parfois de simplement – pour un moment – fréquenter un ensemble de chansons – un disque.

Ça forme et ça déforme – tout d’un geste.

C’est le principe. Continuer la lecture de « Big Thief, Dragon New Warm Mountain I Believe in You (4AD) »

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The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete)

The Jazz ButcherTout pourrait envahir l’écoute, la réduire à ce seul contexte qu’il n’est – évidemment – pas possible d’ignorer. Pat Fish est décédé au mois d’octobre et, pourtant, rien ne s’entend ici comme un achèvement. Tout semble rester en suspens dans ces ultimes échos posthumes de ce qu’il n’a jamais été vraiment été possible de considérer comme une carrière au sens commercial et stratégique du terme. The Highest In The Land est simplement un très bon album de plus, pas si différent de bon nombre de ceux qu’on a aimés souvent – ou parfois négligés – tout au long de ces quatre décennies d’activités musicales irrégulières : presque un album par an pendant les deux premières et puis un seul ensuite au siècle nouveau. On guette en vain les signes avant-coureur d’un essoufflement fatal mais les bilans testamentaires et les leçons de vie pontifiantes n’ont jamais été le genre de cette excellente maison. Continuer la lecture de « The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete) »

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Marie Delta, Route de nuit (autoproduit via La Souterraine)

« J’aimerais faire l’amour
dans un appartement vide »

Si je devais créer un sous-ensemble récent des musiques pop synthétiques et hantées, j’y rassemblerais quelques beaux disques parus ces mois-ci : celui d’À trois sur la plage par exemple, ou celui de Rémi Parson. J’y ajouterais ce disque de Marie Delta qui vient de sortir en vinyle après avoir été mis sous les projecteurs par les agents secrets de la Souterraine en avril de l’année dernière. Ils ont tous en commun une simplicité apparente, un flou qui dissimule de fortes personnalités et des paroles qui ne respirent pas forcément la joie de vivre. Une sorte de nouvelle petite vague froide qui se serait débarrassée de ses oripeaux et surtout de ses figures folkloriques encombrantes. Continuer la lecture de « Marie Delta, Route de nuit (autoproduit via La Souterraine) »