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Bill Callahan, YTI⅃AƎЯ (Drag City)

Ce que je retiendrai du scoutisme, au-delà d’un paquet de nerfs, du savon noir, de l’odeur, à la longue écœurante, des feux de bois et de petites humiliations, c’est que le danger n’est jamais loin et qu’il faut rester à l’affût. Et j’avoue volontiers avoir baissé ma garde à propos de ce sacré Bill. Mais, bien au-delà du confort souvent majestueux que ses disques récents m’ont toujours apporté, la lassitude rentrant peu à peu en ligne de compte, vous n’avez pas idée de mon vrai métier, et l’ennui n’est pas forcément étranger à la félicité. Bien au-delà de ça, dans ces disques jolis, et loués unanimement par les professionnels de la profession, ô combien je m’ennuyais. Parfois, pas toujours (Apocalypse quand même), mais souvent. Mais je restais à l’affût, en vain mais pas toujours. Et aujourd’hui, me voilà bien récompensé.

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Small Sur, Attic Room (Worried Songs)

Il suffit de jeter un bref coup d’œil rétrospectif à sa discographie pour s’en convaincre : Bob Keal entretient un rapport à la musique et au temps dont toute trace d’urgence a été chassée depuis bien longtemps. Quelques débris confidentiels enfouis dans les limbes, quatre albums de Small Sur publiés trop discrètement entre 2005 et 2012 et puis le silence complet. Dix années se sont écoulées ensuite, que le natif du Dakota désormais installé du côté de Baltimore a consacré à son « vrai » métier d’enseignant, à sa famille – et notamment à sa fille née en 2014 – bref, à la vie. Ce n’est que grâce à l’insistance et au soutien de quelques amis proches – et notamment des frères O’Connell, Matthew (Chorusing) et Joseph (Elephant Micah) – qu’il s’est décidé à briser un peu de ce silence à la fois choisi et résigné pour retravailler et assembler, fragment par fragment, quelques-unes des esquisses dérobées aux heures besogneuses de la décennie passée. Continuer la lecture de « Small Sur, Attic Room (Worried Songs) »

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TH da Freak, Coyote (Howlin’ Banana)

Je découvrais TH da Freak en février 2018, à l’occasion de la sortie de son album The Hood. J’étais vite devenue accro à ces onze titres, à ces guitares dans lesquelles je retrouvais à la fois la désinvolture slacker de Pavement et l’énergie skate punk de Mazes. Mon coup de cœur s’était confirmé en concert, où la bande de Bordelais menée par Thoineau Palis prenait pour moi tout son sens. Je décidais d’en parler dans ces pages à l’occasion d’un Sous Surveillance dans lequel Thoineau confiait : « Sur la pochette, c’est la Statue de la Liberté à dix mètres de chez moi à Bordeaux, pour dire que j’aime les States et que le disque sonne ricain ». Effectivement, tout dans le son et l’image convoquait le Seattle des nineties, et il ne m’en fallait pas plus pour être conquise. C’est aussi malheureusement là, in the hood, que j’ai laissé le garçon aux cheveux bleus : parce qu’il est si prolifique et que je le découvrais principalement sur scène, j’ai perdu le fil pendant la pandémie et retenu seulement quelques tubes de ses albums suivants, comme Peeling the Onion et Hospital (Freakenstein, 2019). J’ai donc abordé Coyote, son cinquième LP tout juste paru, comme des retrouvailles, c’est à dire avec un peu d’appréhension et de curiosité : allais-je y retrouver ce qui m’avait plu dans The Hood en 2018 ? Dans quelle direction Thoineau avait-il pu évoluer au cours des quatre dernières années ?

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Triptides, So Many Days (Curation Records, 2022)

Après un détour chez Alive Records (Left Lane Cruiser, Beechwood) pour le disque précédent (Alter Echoes, 2021), les Californiens de Triptides rejoignent une autre écurie nord-américaine : Curation Records. Ils y côtoient désormais GospelbeacH ou Beachwood Sparks.  Comme ces derniers, la formation menée par Glenn Brigman, explore les voix célestes de la Cosmic American Music chère à Gram Parsons (The Byrds, Flying Burrito Brothers). Si au fil des années, le line-up a évolué, la musique de Triptides réconforte par sa régularité et sa précision. Triptides s’est trouvé, mais ne manque jamais de verve. Leur écriture délicate et intemporelle fait mouche à chaque fois. Continuer la lecture de « Triptides, So Many Days (Curation Records, 2022) »

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V/A : Revenge of the She-Punks – A Feminist Music History (Tapete Records / Bigwax)

Publié en 2019 le livre Revenge of the She Punk donne le la à cette compilation éclectique éponyme qui parcourt en 28 titres une historiographie du punk féminin. Le bilan, écrit par la « punk professor » Vivien Goldman, avait donné une perspective d’initiée puisque son travail, tant de musicienne (Chantage et The Flying Lizards) que de journaliste musicale pour la presse britannique (Sounds, NME, Melody Maker) retraçait les moments marquants d’émancipation du punk féminin. Autour de quatre thèmes – Identité, Argent, Amour et Protestation – Vivien Goldman revenait sur le rôle des femmes dans l’histoire du punk, de sa naissance à Londres dans les années 70 jusqu’aux groupes actuels propulsés par la scène internationale. Continuer la lecture de « V/A : Revenge of the She-Punks – A Feminist Music History (Tapete Records / Bigwax) »

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Alex G, God Save The Animals (Domino)

Alex G God Save« Je travaille dur sur la musique, beaucoup moins sur ma personnalité » confiait Alex Giannascoli à Pitchfork dans l’une de ses dernières interviews. A presque 30 ans, le Philadelphien reste un garçon discret, peu enclin à mettre des mots sur sa musique ou à éclairer ses textes, ce dont se charge sa communauté qui, particulièrement assidue sur Youtube et Reddit, s’empresse de retranscrire et de disséquer les paroles de chaque inédit capturé sur scène. Comme Kurt Cobain qui, en 1993, déclarait sans scrupules que ses chansons n’avaient aucune signification, Giannascoli, interrogé sur le sens du titre de son dernier album, God Save the Animals, répond que non, il ne croit pas particulièrement en Dieu, n’aime pas les animaux plus que quiconque, mais a simplement éprouvé quelque-chose en combinant ces termes. Ce qui donne envie, pour une fois, de prendre son exemple et de se fier à l’impression spontanée plutôt qu’à l’interprétation, au ressenti comme seul guide d’écoute de cette nouvelle sortie.

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The Beths, Expert In A Dying Field (Carpark)

Les années passent et les vraies rencontres avec la nouveauté se font implacablement rares. Un ultime dimanche de fin d’été qui coïncide avec un demi-siècle de vie : la juxtaposition était trop flagrante et elle aurait pu se dérouler, sans surprise, bercée par les réminiscences des enthousiasmes adolescents. The House Of Love et Suede ont refait surface quelques jours auparavant : de l’avis consensuel et plutôt légitime de ceux qui les ont toujours aimés, leurs albums sont même réussis. Suffisamment en tous cas pour qu’on s’autorise à entretenir en leur compagnie une nostalgie raisonnable et débarrassée de culpabilité. La tentation était donc forte de consacrer les premières heures de la cinquantaine au confort et à la rumination – deux valeurs qu’il ne s’agit nullement de dénigrer. Et puis The Beths s’en est étrangement mêlé. Il y a forcément une certaine incongruité à souffler symboliquement cinquante bougies en écoutant le nouvel album d’un groupe dont aucun des quatre membres n’était né alors qu’on s’extasiait pour les premières fois à l’écoute de Babe Rainbow, 1992 ou Dog Man Star, 1994 . Continuer la lecture de « The Beths, Expert In A Dying Field (Carpark) »

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The Garden, Horseshit On Route 66 (Vada Vada)

Le nouvel The Garden est un marché, à prendre ou à laisser. À chaque nouvelle écoute, c’est direct 15 points de QI en moins, mais en échange, vous accélérez grandement votre transformation en gobelin halluciné et insouciant qui flotte à 500 pieds au-dessus du monde. Cinquième album en quasi une décennie et les frères jumeaux Wyatt et Fletcher Shears le tiennent enfin leur magnum opus, le résumé du raffut qui les a amenés ici, la somme de toutes les peurs : Horseshit On Route 66, 24 minutes du punk le plus jubilatoire, le plus insensé et le plus catastrophique que vous n’ayez jamais entendu.

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