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Lonny, Ex-Voto (Horizon)

Lonny, Ex-VotoDès le premier coup d’œil, sans même en avoir écouté la moindre note, il y a des disques dont on devine qu’ils ne vont pas nous décevoir. Dont on devine qu’on va en tomber amoureux. Des disques où il n’y aura pas de chansons qui mentent, de chansons qui prennent la fuite sans crier gare, de chansons qui s’étirent pour mieux cacher le vide.

Au départ, il y a donc une pochette. Une peinture, un portrait façon plan américain – découvert un matin de peu de lumière au détour d’un post par le graphiste responsable de ce petit miracle. Un portrait qui est celui d’une jeune femme, dont le regard grisé et la bouche légèrement entrouverte laissent entendre qu’elle est perdue dans ses pensées – et pas forcément roses, les pensées. Au départ, il y a aussi un titre. Ex-Voto, un joli mot parce qu’après tout, au-delà de sa consonance religieuse, il symbolise l’espoir – l’espoir que certains vœux, parait-il, finissent par s’accomplir. Ce sont ces signes-là qui font qu’on se dit que “ce disque-là, il est pour moi”. Continuer la lecture de « Lonny, Ex-Voto (Horizon) »

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Jokari, Main gauche (Pop Supérette, Another Record, Cheptel)

Un dimanche grisâtre en ce début d’année ne promettait rien d’autre que de voir Jokari en concert, quelque part dans le quartier de la Krutenau à Strasbourg. Sous la pluie, à vélo, j’essayais de me rejouer les mélodies préférées de l’album CD que je venais de recevoir en provenance de Toulouse, c’est drôle, parce que j’étais persuadé d’avoir commandé une cassette. J’avais pu écouter la musique de Marion Josserand il y a pas mal de temps, sur les conseils d’une amie en commun : Julie, aka Lispector pour laquelle Marion avait joué dans son groupe d’accompagnement sur la tournée Small Town Graffiti. Et c’est vrai que sa musique de chambre (comprendre : peu de moyens, fragilité de la voix, mélodies entêtantes et paroles toutes personnelles de journal intime) m’avait de suite touché. Continuer la lecture de « Jokari, Main gauche (Pop Supérette, Another Record, Cheptel) »

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Ari Roar, Made To Never Use (Autoproduit)

Ari RoarLe texan Ari Roar – projet autarcique du chanteur/compositeur Caleb Campbell, qui assure peu ou prou l’ensemble des instruments – est l’un des secrets les mieux gardés de l’indie-pop américaine, l’un des plus doués aussi. Le garçon est apparu à la fin des années 2010, signant deux belles collections de vignettes pop au format de poche (Calm Down en 2018 sur le label Bella Union et Best Behavior en 2019, déjà autoproduit) aussi indolentes que pourtant d’une furieuse inventivité. Made To Never Use, dernier effort en date, essentiellement disponible pour l’instant sur Spotify, est une nouvelle fois un petit bonheur de disque bref, concis et totalement accrocheur. Continuer la lecture de « Ari Roar, Made To Never Use (Autoproduit) »

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Jake Xerxes Fussell, Good And Green Again (Paradise Of Bachelors/Modulor)

Il y a souvent quelque chose d’ingrat à fréquenter trop assidument les traditions archaïques. Pas facile d’y puiser, en tous cas, autre chose que ces mises en perspective qui surplombent et écrasent un peu les velléités d’expression singulière. Trop de recul historique tend parfois à tuer l’intime, à le noyer en l’incluant dans du gigantesque ou du massif. Jake Xerxes Fussell publie depuis sept années des albums de folk au sens le plus littéral du terme, sur lesquels il interprète essentiellement quelques-unes de ces œuvres sans âge ni auteur précisément déterminés qui ont fini par constituer un patrimoine populaire pour érudits. Et, pourtant, il parvient à chaque fois – et mieux encore sur ce quatrième essai, sans doute le plus plein et le plus abouti – à incarner ces chansons avec une humanité vivante et personnelle qui suffit à balayer d’un seul geste la poussière qui stagnait sur les pages des grimoires dont elles sont extraites. Continuer la lecture de « Jake Xerxes Fussell, Good And Green Again (Paradise Of Bachelors/Modulor) »

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Poupard, Cérémonie Malgache (Choléra Cosmique)

« Au pied de ton immeuble
tu descends tes poubelles

Tes deux mains dans la merde
Je t’attends bouche ouverte

Pour te dire que je t’aime
et avaler celle pour laquelle
j’ai patienté 13 heures devant un HLM

J’aurais préférer aller à H&M »

On ne sait pas trop sur quel pied danser avec ce couple de Grenoble (Poupard, donc : Laurie et David) qui consigne des petites tranches de vie sur 4-pistes (visiblement pour la troisième fois, parce qu’on a pas tout suivi, il faut bien l’avouer). Une étonnante chanson faussement réaliste piano-voix qui fait mouche en préambule (Le pont de ma jeunesse), des séquences de talk over sur un petit mur de son qui galope (l’adorable et effrayant Coma où un fil  semblerait pouvoir se tisser naturellement avec Bambi de Diabologum période Palladium Rock  ou Heaven Boulevard, par exemple), un duo garçon-fille forcément réussi (Pendant des mois), pas parce que c’est, en grammaire pop, mon exercice favori, mais parce qu’on dirait une version disloquée d’un duo Jacky-Lio qui me colle à la peau en ce moment, Un flic au coeur tendre  concourant, lui, au prix du plus mélancolique hommage à nos génériques télé des années 80 (entre Cosma et De Roubaix). Mais vous n’étiez pas nés pourtant ? Vous connaissez Kojak, sérieux ? Continuer la lecture de « Poupard, Cérémonie Malgache (Choléra Cosmique) »

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Gas, Der Lange Marsch (Kompakt)

GasQu’elle emprunte un chemin ou un autre, la musique de Wolfgang Voigt, co-fondateur du légendaire label électronique allemand Kompakt, se reconnaît entre mille. Der Lange Marsch (« la longue marche » pour les non-germanistes) ne fait pas exemption à la règle et s’inscrit dans la droite lignée des œuvres du producteur depuis la réanimation de son projet Gas au mitan des années 2010. Un foisonnement d’effets ambient enveloppe dès les premières secondes l’auditeur qui, s’il y consent, s’en ira pour une longue échappée (presque 70 minutes) hypnotique, poisseuse, parfois lumineuse aussi, baignant dans des vagues orchestrales empruntées à la musique symphonique et portée par une pulsation sourde et éthérée, un rythme lourd et plus puissant qu’à l’accoutumée qui disparait et revient comme issu d’un songe. Continuer la lecture de « Gas, Der Lange Marsch (Kompakt) »

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Clara Le Meur, Hier à la plage (Le Syndicat des Scorpions)

« T’as fait un glitch dans mon cerveau,
je n’arrive plus à trouver les mots,
je mets de la reverb sur le loop,
pour brouiller les pistes »

Et s’il suffisait de deux chansons pour bien commencer cette année 2022, deux chansons très belles diffusées sur la cassette de Clara Le Meur, parue le 26 décembre 2021, l’idée parfaite pour passer inaperçue aux yeux du monde, mais c’est un projet comme un autre après tout. Il s’agit d’abord de T’as fait un glitch située sur la face A : mini précis de la journée de la musicienne amoureuse où tout se mélange. Mode d’emploi et enregistrement, sentiments, confusion entre les deux et synthèse dans la chanson de 02’40, comme un Electrelane au ralenti, privées de ses guitares, avec ses harmonies vaporeuses et émouvantes. Continuer la lecture de « Clara Le Meur, Hier à la plage (Le Syndicat des Scorpions) »

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Dean Wareham, I Have Nothing to Say to the Mayor of L.A. (Double Feature Records)

Dean Wareham

Pendant de nombreuses années, Dean Wareham a été une icône new-yorkaise. Une icône d’abord musicale : étudiant à la Dalton School de New York, il rencontre Damon Krukowski et Naomi Yang avec qui il forme, en 1987, à l’université Harvard, Galaxie 500. Quatre ans et trois chefs-d’œuvre plus tard (Today, 1998 ; On Fire, 1989 ; This is Our Music, 1990), le groupe se dissout et Wareham recrute un ex-The Feelies et un ex-The Chills pour fonder Luna, deuxième trio mythique. A partir de 2005, tout en composant pour lui-même ou aux côtés de sa femme Britta Phillips pour le duo Dean & Britta, il s’impose aussi dans le cinéma indépendant new-yorkais : des réalisateurs purement brooklyniens comme Noah Baumbach ou Greta Gerwig font appel au couple pour composer la bande originale de leurs films, et il apparaît en tant qu’acteur dans une dizaine de films et séries (y compris, entre deux réalisations pointues, un épisode de New York, police judiciaire). De quoi régulièrement oublier que depuis 2013, c’est dans la capitale-même du cinéma, Los Angeles, qu’il évolue. Son nouvel album, le troisième en solo, est là pour nous le rappeler.

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