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Swell, porté disparu

Swell, avant.

Ces derniers temps je me dis souvent : fini les concerts de vieux. D’ailleurs est-ce que ce sont les artistes qui sont trop vieux, ou c’est moi ? Ou les deux ? Est-ce que simplement tout ça n’est pas terminé ? Qu’est-ce qu’on est censé célébrer, sinon la disparition elle-même ? Autant aller voir quelqu’un qui n’est carrément plus là. C’est ce qu’on a fait cette semaine en se rendant au concert de Swell, privés de leur chanteur mort l’année dernière. C’est un fait : David Freel n’est plus, mais nous, nous sommes encore là pour nous souvenir, même pas de lui (c’est l’affaire de ceux qui l’ont connu), mais de nous-mêmes en train d’écouter sa voix sur les disques, déjà lointaine de son vivant, fatiguée, absente. C’est peut-être ça qui faisait de Swell l’un des groupes les plus vrais des années 90 : l’incarnation émouvante du fait de ne pas être là. Mardi soir on assistait à ce paradoxe : David Freel était parti pour de bon, mais il était présent comme jamais, moins par la photo noir et blanc symboliquement posée au bord de la scène, comme une effigie sur un cercueil, qu’à travers les chansons toujours bien vivantes. Façon de dire : si nous sommes là, c’est pour toi. Mais toi, où es-tu ? Continuer la lecture de « Swell, porté disparu »

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Amanda Brown, The Unguarded Moment

L’ex Go-Betweens reprend un morceau de The Church et toute l’indé australienne souffle dans nos oreilles

Amanda Brown
Amanda Brown

C’est bien de trainer sur les réseaux sociaux un matin gris de vacances – presque un © Philippe Delerm. C’est bien parce qu’on apprend / découvre plein de choses – comme le fait qu’en mai prochain, Father John Misty va reprendre les chansons de Scott Walker sur scène à Londres ; ou qu’il existe de l’autre côté de l’Atlantique un duo masculin / féminin caché derrière le nom de The Lost Days qui a publié il y a à peine un mois un disque d’une exquise fragilité, In The Store – dix chansons jouées du bout des doigts et chantées du bout des lèvres en moins de 15 minutes ; et puis surtout, et ce grâce à un ami lointain perdu de vue depuis plus de dix ans, on apprend aussi qu’Amanda Brown a repris The Unguarded Moment de The Church – et là, ça fait beaucoup d’émotions en même temps pour notre petit cœur. On rembobine. Continuer la lecture de « Amanda Brown, The Unguarded Moment »

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Cabane, Today

Nouveau single annonciateur d’un second album pour Thomas Jean Henri alias Cabane

Cabane
Cabane

La musique, ce sont aussi des mots. Des mots dans les chansons, des mots qui marquent, frappent l’imaginaire, font sourire, réfléchir, se dire plein de choses – parfois un peu extravagantes, du genre  “Cette chanson a été écrite pour moi”. Parmi ces mots, il y aurait au hasard et dans le désordre “First a kiss / then a fall”, “Some are for remembering / some are for forgetting / Either way it’s gone”, “Don’t believe what you’ve heard,‘Faithful’’s not a bad word”, “The dream had to end / The wish never came true…” ; il y aurait aussi “And when the darkness came / I made a pledge to stay”Continuer la lecture de « Cabane, Today »

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Depeche Mode, Ghosts Again

Depeche Mode
Depeche Mode, cru 2023

C’est l’automne 1993. La Nouvelle Orléans est enveloppée par une chaleur bien éloignée des premiers frimas européens. Il y a un mois que Depeche Mode a commencé sa tournée nord-américaine, une contrée qui a mis plus d’un genou à terre face au quatuor de Basildon depuis la fin des années 1980, le succès sur le tard de Music For The Masses, le documentaire de Pennebaker, 101, et le coup de grâce donné par un album au dessus de tout soupçon, Violator. Le photographe néerlandais Anton Corbijn a aussi métamorphosé le quatuor, avec ses vidéos et ses photos en noir et blanc, gros grains à l’appui et nouvelle sobriété vestimentaire – ce qui n’a pas toujours été le cas, en particulier lors de la période berlinoise et son cuir bon marché. La Nouvelle Orléans, donc. Un stade couvert, sorte de Palais Omnisport de Bercy local (on dit Accor Arena maintenant, je crois), plein à ras bord de jeunes gens, filles et garçons qui pourraient pour la plupart tout droit sortir d’un roman de Brett Easton Ellis et qui commencent par se précipiter sur le merchandising – programme de la tournée, tee-shirts, sweat-shirts, mugs, à l’effigie de Songs Of Faith And Devotion. Continuer la lecture de « Depeche Mode, Ghosts Again »

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Vers la violence

Le texte de Blandine Rinkel mis en scène avec La Féline et le danseur Clément Gyselinck

On oublie souvent que le langage est aussi un son, qu’avant la parole, il y a le chant. Une lecture est toujours le moment de la mise en volume de ce qui s’agite dans la tête, de ce qui se jette sur le papier. Blandine Rinkel a choisi la formation d’Agnès Gayraud, La Féline, pour l’accompagner sur scène en compagnie du danseur Clément Gyselinck afin de redonner du corps à son texte, Vers la violence, paru en septembre 2022 aux éditions Fayard. Continuer la lecture de « Vers la violence »

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25 cm de plaisir


C’est un format qui va et qui vient. Apparait, disparait – omniprésent dans les années 1960, aux abonnés presque absents lors de la décennie suivante, il a fait un retour en grâce si ce n’est en force au début des années 1980. Mais c’est au début des années 1990 qu’il vit l’un de ses âges d’or : de part et d’autre de la Manche et de l’Atlantique, un nombre assez dingue de groupes opte pour ce format qui séduit souvent et fascine toujours – parce qu’on le veuille ou non, en musique pop, l’objet est forcément au centre des ébats. Remis récemment au gout du jour par l’élégant label franco-anglais Violette Records – qui vient de réaliser le très beau Elp de Meaning of Tales – et alors que du côté de Clermont-Ferrand, le plus rock 6Tone Records ne sort ses vinyles que dans ce format-là, il était temps de proposer une sélection absolument subjective de onze disques qui ont su marier le fond et cette forme. Pour un plus grand plaisir. Continuer la lecture de « 25 cm de plaisir »

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« Le monde de demain » de Hélier Cisterne et Katell Quillévéré

Le Monde de Demain : Anthony Bajon et Melvin Boomer
Le Monde de Demain : Anthony Bajon et Melvin Boomer

« Ce qui compte, c’est pas d’être prêts, c’est d’être là »

Filmer la musique, épisode 2 (ou 3, si on compte le texte sur le merveilleux On ne va pas se quitter comme ça de Jean-Louis Comolli pour les amis de Musique Journal) : après mes réflexions sur le documentaire La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, j’ai par hasard enchaîné sur Le monde de demain d’Hélier Cisterne et Katell Quillévéré, qui passe en ce moment sur Arte. Six épisodes de moins d’une heure chacun racontent les débuts du duo vénère et de leur entourage plus ou moins proche (Lady V, Assassin, Dee Nasty…) dans un style relativement modeste avec tout de même de belles reconstitutions de ferveur collective (les soirées notamment, on y reviendra) et de sacrées performances des acteurs, dans les moments de danse et de musique. Continuer la lecture de « « Le monde de demain » de Hélier Cisterne et Katell Quillévéré »

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Baxter Dury, dans la chaleur de la nuit

Cet été, de Plage de Rock à La Route du Rock, Baxter promène son flegme de crooner débraillé.

Baxter Dury / Photo : Roland Somogyvary
Baxter Dury / Photo : Roland Somogyvary

La première fois que je me suis retrouvé en face de ce garçon, c’était il y a vingt ans – pas tout à fait jour pour jour, mais pas loin. Il était à Paris et passait ses après-midis dans les bureaux de PIAS, la structure belgo-française qui distribuait son premier album sur le Vieux Continent. Un premier album épatant, un peu sombre, un peu psyché, annoncé l’année précédente par le EP Oscar Brown, où le morceau éponyme contenait un sample plus ou moins discret du Velvet Underground (ça fait toujours bien en société) et comptait l’appui d’un bourlingueur nommé Henry Olsen, ayant croisé les routes de Nico, Primal Scream ou Beth Orton – il y a pire, comme CV. Se débarrassant aussitôt de l’étiquette toujours embarrassante de « fils de… » – étiquette encore plus embarrassante quand le père se trouve être l’auteur d’un hit seventies et déglingué intitulé Sex & Drugs & Rock’n’Roll –, le jeune homme affichait déjà trente printemps au compteur d’une vie bohème un peu dissolue et avait perdu son père deux années plus tôt – comme s’il avait eu besoin de cette triste échéance-là pour oser s’affranchir d’une ombre tutélaire (parfois) omniprésente. Continuer la lecture de « Baxter Dury, dans la chaleur de la nuit »