#32 : Buzzcocks, Spiral Scratch (New Hormones, 1977)

Buzzcocks
Buzzcocks, l’ennui au creux du sillon.

Le premier réflexe serait de poser la face 2 sur la platine et la tête de lecture sur Boredom puis de déclarer, péremptoire, que quand même, depuis le début de ce confinement, qu’est-ce qu’on s’emmerde ! Surtout les dimanches.
Et d’en rester là. Point. A la ligne et à demain. C’est un geste, se justifierait-on.
Sauf que, si ce n’est pas faux, ce n’est pas tout à fait vrai non plus, et que l’ennui, ce bon camarade, mérite mieux. Mieux qu’un raccourci paresseux ou une sentence expéditive. Et ce post, mieux qu’une exécution sommaire. Bien qu’en proie à un terrible accès de flemme, je renâcle un peu à l’achever d’une balle dans la nuque – Shot By Both Sides serait plus approprié.

D’autant que ce n’est pas encore l’heure de la messe, non plus la saison des champignons. Encore moins celle du relâchement. Et qu’il serait malvenu de ne pas se fendre de quelques mots – promis, ce sera court, et pas trop douloureux à lire j’espère – sur ce 45 tours des Buzzcocks.
Qui, rappelons-le, est le tout premier single punk mancunien jamais paru. Auparavant et hors Manchester, il y a eu le New Rose des Damned en octobre 1976, suivi de Anarchy in the U.K. des Sex Pistols, puis des deux premiers simples des Vibrators, groupe que l’Histoire – comme on la comprend parfois ! – peine à retenir. Au-delà de l’acte de naissance, Boredom se paie le luxe, alors que le mouvement punk en est à ses premiers balbutiements, d’être un titre autoréflexif, méta et critique. You know the scene – very humdrum, lâche Howard Devoto, s’égratignant au passage en s’autoproclamant déjà has-been.
Boredom et les trois autres titres du EP Spiral Scratch furent enregistrés en quelques heures, l’un des derniers jours de l’année 1976. Par l’entremise du poète John Cooper Clarke, Devoto et Pete Shelley ont rencontré un jeune ingénieur du son, Martin Hannett – il se fait alors appeler Martin Zero et ne s’est pas encore acoquiné à quatre types de Salford pour, en s’adonnant à des plaisirs inconnus, révolutionner l’histoire de la musique – tout aussi novice qu’eux en matière de production. Minimaliste et urgent, Boredom aura valeur d’exemple pour railler les assauts de technicité musicale en vogue dans les 70’s. Ici le solo de guitare consiste en les mêmes deux notes répétées 66 fois, une astuce que les Ramones ne se priveront pas de reprendre sur I Wanna Be Sedated.
D’autres s’empresseront de mettre à plat ou théoriser tout ça – on pense aux Desperate Bicycles ou à Scritti Politti qui, sur leurs respectifs The Medium Was Tedium et Skank Bloc Bologna, indiqueront la marche à suivre et les coûts pour réaliser son propre single – mais Spiral Scratch, en plus d’être une entreprise de démystification de la fabrication d’un disque, est l’inaugurale manifestation de la philosophie DIY, les Buzzcocks empruntant 500 £ à leurs familles pour fonder leur propre label, New Hormones.

Reste que pour Howard Devoto, l’ennui n’est pas un vain mot, et que l’homme a tôt fait de mettre ses paroles en actes. Les 1000 exemplaires de Spiral Scratch à peine pressés, Devoto sait que les étapes suivantes du processus ne l’intéresseront guère, pas plus que le punk – il a déjà le post en tête.
Il plaque le groupe et s’en va monter Magazine.
Les Buzzcocks ne se démontent pas et publient en septembre 77 un nouveau classique, Orgasm Addict.
Ce qui m’alerte sur le fait qu’on n’a toujours rien écrit sur le sexe au temps du confinement. On s’y attelle fissa, peut-être sous une autre forme.

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